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Nos interventions se situe dans le champ de la recherche-intervention et utilise les méthodologies de la recherche-action à visée stratégique.

LA PRATIQUE DE LA RECHERCHE-INTERVENTION DANS LES ORGANISATIONS : RETOUR SUR LES MODES DE PRODUCTION DES CONNAISSANCES GESTIONNAIRES À PARTIR DU TERRAIN

 

 

Les principales sources d’insatisfaction des utilisateurs à l’égard des connaissances produites par les sciences de gestion sont liées à leur caractère général et théorique, à l’absence d’interactivité entre les chercheurs et les utilisateurs dans le processus de production des connaissances et leur caractère peu ou pas utilisable sur le terrain afin de résoudre des problèmes concrets au sein des organisations.

Face à cette situation frustrante, un certain nombre de chercheurs se sont éloignés des voies traditionnelles de la recherche en gestion et ont frayé le chemin à de nouvelles approches fondées davantage sur l’interaction entre le chercheur et les acteurs de terrain et sur l’émergence progressive de l’objet de recherche à travers une négociation, un processus transactionnel entre les différents acteurs impliqués. Ces chercheurs s’inscrivent dans la perspective d’une production de connaissances qui soient utiles, à la fois, aux acteurs de terrain et intéressantes du point de vue des sciences de gestion.

La recherche-intervention a connu un essor récent dans les sciences de gestion même s’il convient de souligner qu’elle s’inscrit dans un courant de pensée ancien et très actif et qui a été initié par F.W.Taylor , par K.Lewin , l’école socio-technique (5) et, ensuite, le développement des organisations . Ce courant de pensée a, plus particulièrement, mis l’accent sur le rôle des problèmes issus du terrain, comme source privilégiée de production des connaissances gestionnaires.

 

Il existe trois modes principaux de production des connaissances gestionnaires : le mode positiviste, le mode interprétatif et le mode constructiviste.

 

Le mode positiviste

Le but de la recherche positiviste est l’interprétation objective des faits. Tout au long du processus de recherche, le chercheur positiviste veillera à maintenir sa distance vis-à-vis de l’objet étudié. Cette distance est constitutive de l’élaboration de l’objet de la recherche lui-même. Et, en fin de compte, derrière cette posture de recherche, il y a l’idée ontologique selon laquelle, la réalité est quelque chose qui existe, indépendamment du regard du chercheur, comme quelque chose de déjà là, de donné.

 

Le mode interprétatif

Pour le chercheur interprétatif, le but est, dans le sillage de Max Weber (8) de comprendre la réalité sociale. Il s’agit donc d’interpréter les intentions et les motivations qui guident les actions des individus. Dans ce type de recherche, le sujet et l’objet n’existent plus indépendamment l’un de l’autre mais se trouvent placés dans une situation d’interactivité. Le chercheur interprétatif est donc conduit à s’immerger dans la réalité sociale et à y saisir, de l’intérieur, les problématiques des différents acteurs concernés. Le processus de production des connaissances s’apparente donc à un mécanisme de type phénoménologique où, l’intérêt du chercheur, va jouer un rôle moteur dans la compréhension de l’objet étudié, tout comme sa capacité d’empathie avec les acteurs de terrain. Celui-ci va donc, tout d’abord, dans un premier temps, s’immerger dans une réalité donnée, puis, dans un second temps, chercher à l’interpréter, à la comprendre.

 

Le mode constructiviste

Le chercheur constructiviste considère que la réalité n’est pas donnée mais qu’elle est construite par le chercheur lui-même à partir d’une situation, d’un contexte donné. Le processus de production des connaissances gestionnaires selon la perspective constructiviste s’inscrit donc dans une logique intentionnelle, un projet de changement d’une situation donnée.  L’objet de la recherche n’est donc pas défini au début comme dans une démarche de type positiviste. Il se modifie sans cesse, au gré des interactions entre les acteurs concernés. Seule demeure comme une boussole pour la poursuite de la recherche, la visée initiale du chercheur. En ce sens, il s’agit d’un processus de co-construction de l’objet de recherche et de la démarche de solution envisagée. Cette visée transformatrice est ce qui distingue fondamentalement le mode constructiviste de production des connaissances du mode interprétatif fondé essentiellement sur la compréhension de la situation donnée.

 

Ce processus spécifique de production des connaissances à partir du terrain met en jeu trois aspects différents : la posture du chercheur, l’interaction avec le terrain et la négociation de l’objet de recherche.

 

La posture du chercheur

Dans une recherche-intervention de type constructiviste, le chercheur doit se positionner au plus près des acteurs de terrain et des problèmes qu’ils se posent dans la vie quotidienne. Pour cela, il doit délaisser la position de l’observateur neutre et détaché et s’impliquer au plus près de la vie de l’organisation. Il a besoin de s’immerger sur le terrain, aux cotés des acteurs concernés, afin d’accéder ainsi à la connaissance de leurs différentes rationalités propres, de leurs enjeux et de dégager progressivement les voies d’un changement raisonné et acceptable.

Les repères d’une intervention :

·       les connaissances sont élaborées par les chercheurs à partir d’un travail de terrain,

·       le travail de terrain est susceptible de s’infléchir en fonction des faits et des situations,

·       les acteurs de terrain sont fortement impliqués dans le processus de déroulement de la recherche et cela à plusieurs niveaux : définition de la problématique de la recherche, interprétation des données, élaboration d’outils de gestion destinés à servir de support à de nouvelles pratiques au sein de l’organisation,

·       enfin, les chercheurs-intervenants conservent la responsabilité de l’analyse des constructions théoriques qui découlent des résultats obtenus dans le cadre de ce processus de recherche interactif.

 

La validation des connaissances issues de la pratique de la recherche intervention ne relève pas comme dans la démarche positiviste de la réfutation au sens de Karl Popper, mais plutôt de ce qu’il est convenu d’appeler des normes de validation “chemin faisant”. Autrement dit, la communauté formée, à un moment donné, par les chercheurs-intervenants et les acteurs de terrain vont s’entendre et négocier la validation des connaissances ainsi produites.

 

Toutefois, ce processus de validation “chemin faisant” s’effectue à un double niveau :

- d’une part, une validation avec les acteurs de terrain de l’utilité des connaissances produites,

- d’autre part, une validation avec les chercheurs-intervenants, de l’intérêt pour les sciences de gestion, des connaissances élaborées à partir du terrain. Cette forme particulière de validation passe nécessairement par la publication dans les revues académiques des résultats obtenus au cours du processus de recherche.

Ce que dit cette réflexion sur les interventions que l'équipe Od'écol conduit :

 

Notre appui aux Equipes Nationales de Recherche (ENR) d'un programme financé par l'AFD auprès de huit pays d'afrique subsaharienne  relève effectivement d’une démarche essentiellement constructiviste, où notre implication directe dans les travaux des équipes de terrain repose sur les quatre repères suivants :

·       Les connaissances sont co-élaborées avec l’expertise internationale mobilisée (EIM) à partir d’un travail de terrain,

·       L’outillage du travail de terrain est susceptible de s’infléchir en fonction des faits et des situations,

·       Les ENR sont fortement impliqués dans le processus de déroulement de la recherche et cela à plusieurs niveaux : identification des axes potentiels d’amélioration, interprétation des données, élaboration d’outils destinés à servir de support à l’élaboration d’un diagnostic partagé,

·       Enfin, l’EIM conservent la responsabilité de l’analyse des constructions théoriques qui découlent des résultats obtenus dans le cadre de ce processus de recherche interactif, concrétisé dans un Rapport de Recherche et une Feuille de Route.

 

Parmi les principales formes spécifiques d’intervention que nous utilisons, nous pouvons retrouver :

·       L’observation participante,

·       Immersion et participation à l’analyse ’’ici et maintenant’’ notamment lors des ateliers de partage

·       L’introspection organisationnelle,

·       Processus d’analyse des routines par une verbalisation des acteurs à tous les niveaux du système

·       La démarche conceptive,

·       Outillage de la réflexion (entretien semi-directif, analyse de corpus)

·       La formation-action associée à pratique réfléchie du conseil.

·       La conduite de chantiers comme avec les AMET au Niger  (atelier de micro enseignement tutoré) ou encore les GEAPP (groupe d'Entraînement à l'Analyse de Pratiques Professionnelles ) au sénégal.

 

Enfin, le processus de validation “chemin faisant” s’effectue effectivement à un double niveau :

·       d’une part, une validation avec les acteurs de terrain de l’utilité des connaissances produites (toutes les étapes d’auto-évaluation des membres de l’ENR),

·       d’autre part, une validation avec l’EIM, de l’intérêt pour les décideurs des connaissances élaborées à partir du terrain. Cette forme particulière de validation passe nécessairement par la publication et le partage des résultats obtenus au cours du processus de recherche.

Réflexion à partir d'un Article d'Ypes André Perez paru dans la revue Humanisme et entreprise - 2008 n°288 pages 101 à 113
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