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Études des effets et des limites d’un projet international de supervision du changement en éducation

Résumé du mémoire de recherche de M. Brian BEGUE

Mots-clés : posture professionnelle, recherche-action, stratégie de supervision, Institution, agir professionnel.

Approche critique d'un programme d'appui au pilotage de la qualité dans les pays d'Afrique-subsaharienne

Cette recherche examine les effets du programme d'appui au pilotage de la qualité (PAPIQ) de l'IIEP-UNESCO sur les membres des équipes nationales de recherche (ENR) constituées de cadres nationaux en éducation mobilisés par les pays pour mettre en place le programme. Le PAPIQ, déployé de 2018 à 2023 dans huit pays (1), avait pour objectif de promouvoir une nouvelle manière d’intervenir sur la qualité de l'éducation en changeant l'approche traditionnelle centrée sur les évaluations comparatives pour se centrer sur l’analyse du rôle des acteurs. En tant que chercheur et ancien consultant junior dans ce projet, mon objectif est d’explorer comment l’intégration des membres des ENR dans le PAPIQ a modifié leur posture professionnelle, quel est le lien entre ces transformations et la stratégie de supervision du programme, et quelles sont enfin les limites des changements constatés.

Le PAPIQ s'appuie sur plusieurs piliers, qu’il est nécessaire de préciser. Tout d’abord, il s’agit de la création d'équipes nationales de recherche (ENR) mises à disposition par les pays dans un temps long (six mois) pour piloter le programme. Ensuite, ces ENR, une dans chaque pays, collaborent avec une équipe de supervision internationale, adoptant une approche collaborative inspirée de la recherche-action.

Les entretiens réalisés avec les membres des ENR indiquent d’abord que les effets du PAPIQ sur leur posture professionnelle sont significatifs. Les témoignages démontrent que les membres des ENR ont dû déconstruire un certain nombre de gestes professionnels qui ne cadraient pas avec la dynamique de recherche-action, ce qui a généré des changements complexes dans leur relation avec leur institution. À l’inverse, ces agents ont développé une posture se rapprochant de celle du chercheur, incluant des gestes tels que la prise de notes systématiques, l'analyse critique collective des données et le partage d'analyses avec les acteurs du terrain. Cette transformation a permis une prise de recul vis-à-vis des normes, une réflexion sur les outils de pilotage et une capacité à agir sur des problématiques structurelles.

La stratégie de supervision du PAPIQ est analysée comme un facteur clé des effets observés. La mise en place d’un travail collaboratif entre les équipes, y compris à distance, a permis une répartition des responsabilités, la construction d'une intelligence collective, et surtout une réussite collective dans le développement d’une nouvelle manière d’être et d’agir au sein de l’Institution, notamment pour les membres des ENR. Les témoignages démontrent aussi que les pratiques de supervision, incluant un appui dense et solidaire (ces deux concepts seront précisés), ont encouragé l’adoption par les membres des ENR de pratiques en phase avec l’esprit de la recherche-action et ont facilité la construction d'une nouvelle posture professionnelle. Ce processus vertueux d’imitation a toutefois nécessité que l’équipe de supervision « fasse modèle », ce qui, d’une part, n’a pas été toujours le cas, provoquant dans certaines situations des risques d’implosion de certaines ENR. D’autre part, ce mécanisme complexe d’imitation n'a pas forcément été perçu par l’équipe de supervision, ou du moins pas immédiatement, bien qu’elle souligne l’importance de chercher une cohérence des pratiques professionnelles de l’équipe de supervision dans ce type de projet de supervision du changement.

L'étude identifie également une limite du programme liée à l'absence de mise en place de ses phases ultimes d’appui au changement, c’est-à-dire les chantiers d'expérimentation prévus ou initiés dans chaque pays. Bien que le PAPIQ ait renforcé certaines compétences individuelles et collectives des ENR, son efficacité a été limitée par l'absence de mise en œuvre des chantiers prévus dans sa feuille de route. L'étude révèle que les membres des ENR ont exprimé le désir de participer aux chantiers, mais cette aspiration n'a pas été satisfaite par les Ministères Nationaux et l'IIEP-UNESCO, limitant ainsi les opportunités de changement profond. L'incapacité de l'IIEP-UNESCO à collaborer étroitement avec les Ministères et à initier des changements stratégiques a également entravé la réalisation des chantiers. L'absence de ces chantiers a eu un impact sur les marges de manœuvre des membres des ENR une fois de retour dans leurs institutions. Des initiatives novatrices ont été abandonnées faute de suivi et d'appui technique adéquats.

Cependant, cette limite offre des enseignements importants sur les défis auxquels sont confrontés les projets de supervision du changement. Parmi ces défis, il y a notamment l'importance d'une communication continue entre celui qui met en place l’intervention (ici l'IIEP-UNESCO) et celui qui la commande (les Ministères). Cette communication devient alors essentielle pour que l’organisme intervenant devienne un véritable partenaire politique et non plus un simple prestataire, ce qui, en somme, exige des changements profonds dans les pratiques de gestion des projets internationaux de coopération, tels que le PAPIQ de l’IIEP-UNESCO.

 

1)Burkina Faso, Madagascar, Niger, Sénégal, Burundi, Cameroun, Côte d'Ivoire et Togo.

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