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Charte éthique

Charte des acteurs de recherche-action liée à l’amélioration du pilotage de la qualité dans l’enseignement de base en Afrique

 

Introduction

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Les acteurs qui constituent l'acteur collectif sont des enseignants, des chefs d’établissement des formateurs, des inspecteurs et décideurs/gestionnaires qui se déclarent, sur le principe, prêts à transformer leurs pratiques professionnelles actuelles liées au pilotage de la qualité tout en sachant que ce qui leur est proposé n'est pas un modèle clos et fini mais un ensemble de pratiques à affiner, à détourner et à élaborer aussi. On peut parler d'accord d'intentions sans pouvoir présager du contenu de l'action.

 

L'expression du dysfonctionnement ou de la situation problème tient dans la médiocrité des résultats obtenus par de nombreux élèves qui quittent le système éducatif sans maitriser les savoirs fondamentaux. Les enseignants, formateurs et les autres acteurs de cette recherche mettent en relation cette relative inefficacité et iniquité du système auquel ils participent et leur double insatisfaction personnelle face à la prééminence incontestée d’un pilotage hiérarchique réduit le plus souvent à un contrôle de conformité et à l'incohérence qu'ils vivent entre leur autonomie d’action et les conditions dans lesquelles ils doivent conduire leur enseignement ou leurs actes gestionnaires.

 

D'une part, cette approche méthodologique de recherche est un processus de trans-formation  pour tous ceux qui s'y engagent. En effet la recherche-action de type stratégique implique la participation de ceux qui souhaitent le même changement de leur réalité : ne peuvent travailler ensemble que des personnes poursuivant un but identique. L'analyse stratégique est là pour que les participants se mettent d'accord sur leurs objectifs et projets de transformation, et sur les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre.

D'autre part, cette méthode sensibilise les acteurs de terrain au fait qu'ils ont des ressources dont la recherche tiendra compte, et entraîne le chercheur à devenir un participant engagé dans une action. S'il n'est pas déjà impliqué sur le terrain où aura lieu la recherche-action, il pourra parer cet handicap par une immersion longue - le temps est nécessaire pour mener à bien une réelle recherche-action -, de façon à ce que sa présence ne soit pas un épiphénomène, mais aille de soi. C'est à ce prix, que beaucoup ne sont pas prêts à payer, que les acteurs de terrain ne se sentiront pas dépossédés de leurs savoirs. Rappelons qu'en recherche-action de type stratégique, l'implication forte du chercheur dans l'action comme dans la recherche est visée, ainsi que celle des acteurs, implication aussi forte dans la recherche que dans l'action.

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Un praticien devenu chercheur par la conduite d'une recherche-action de type stratégique, comme un chercheur devenu praticien par ce même moyen, se seront formés et transformés. Ici, c'est l'action même qui est renforcée par le dispositif de recherche qui l'entoure, et la recherche se trouve donc perpétuellement remise en cause pour atteindre son but. Il n'est pas question d'attendre la fin de l'action pour réfléchir à la manière de la mieux conduire.

 

Ce type de recherche-action implique un certain nombre de composantes :

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  • Un point de départ qui est, en général, une situation-problème issue d’une démarche diagnostique, ainsi qu'une série d'acteurs partageant l'envie de réfléchir sur un dysfonctionnement constaté ou plus généralement un effet « plafond de verre » bien identifié, à la fois pour le résoudre et pour en tirer un savoir novateur concrétisé par une démarche

  • Ce groupe, véritable "acteur collectif" formule des hypothèses de recherches et d'actions, étroitement imbriquées. C'est la construction de la "première généralité".". Les hypothèses de recherche ont pour objectif de déboucher sur des connaissances nouvelles, les hypothèses d'action y afférentes construisent et conduisent, le dispositif qui amènera la résolution du problème initial.

  • La première généralité émane à la fois de résultats de recherches en sciences humaines et à la fois de l'expérience de ceux qui l'élaborent. C'est à dire qu'elle est, elle-même, le résultat de la théorie et de la pratique que chaque participant possède d’une manière plus ou moins empirique.

  • Les propositions initiales comprises dans cette première généralité sont fondatrices de toute la recherche-action, mais sont néanmoins remises en question tout au long de l'action. Elles jouent donc un rôle décisif dans la démarche même puisque ce sont elles qui, réexaminées, réévaluées, réajustées, permettent à la recherche de coller au mieux à l'action, et réciproquement. Elles représentent la ligne de conduite de la recherche et de l'action, et, à ce titre, sont garantes à la fois des connaissances produites par la recherche et de la justesse des actions entreprises.

 

On voit bien ici que le couple « diagnostique/prescription » ne peut se concevoir d’une manière linéaire car c’est le principe même de cette réitération continue qui permet de réinterroger les hypothèses issues de la première généralité et qui ainsi fonde et soutient l’action.  Dans le protocole initié il s’agit donc de ne pas confondre le phasage prévu (Phase I : 6 mois / Phase II : 30 mois) qui a sa propre logique, notamment sur la logistique de mobilisation de ressources impliquées (expertises, planification , …), avec les modalités de construction du diagnostic (de la première généralité à l’émergence d’hypothèses complémentaires) et la définition d’un mode opératoire supportant les interventions qualifiées de suivi/accompagnement notamment lors de la phase II du projet d’appui.

L'hypothèse de recherche centrale : La recherche action comme modalité de formation contribue avantageusement à l'innovation pédagogique et à la rénovation du système éducatif en même temps qu'il lui permet d'intégrer et de généraliser les acquis de la recherche pédagogique.

  • L'hypothèse de recherche est donc de "savoir" comment les savoirs professionnels se diffusent, s'approprient et se transforment dans ce mouvement.

  • L'hypothèse d'action est donc qu'un groupe d'enseignants, de formateurs et de gestionnaires immergés dans une logique de réseau et de mutualisation des savoirs sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement de base à des fins de formation personnelle et/ou de transformation professionnelle permettra de créer une alternative pédagogique et institutionnelle à un enseignement de base massivement et statistiquement insatisfaisant pour le corps social.

 

A quelles conditions ce collectif peut-il fonctionner ?

  • que la clarification des enjeux des partenaires soit faite,

  • que chacun apporte sa pierre à l'édifice tout au long du processus,

  • que , c'est-à-dire

    • que les chercheurs soient impliqués dans l'action, et

    • que les acteurs soient impliqués dans la recherche.

 

Toute démarche de recherche-action oblige les acteurs impliqués, quels que soient leur statut, à bien définir leur "contrat moral" qu'exige le nouveau mode de rencontre dynamique, et à préciser les objectifs visés ; cela ne peut se faire correctement sans remise en question et changement de position de chacun d'entre eux. La recherche-action suppose d'emblée une rupture avec le statu quo dominant.

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Au cœur de la réflexion sur la recherche-action, on trouve cette question : quelles conditions doivent être remplies pour que des gens différents (du point de vue notamment de leur formation, de leur activité professionnelle et de leur insertion institutionnelle) puissent participer sur un pied d'égalité à une démarche où se conjuguent la recherche et l'action ?

Trois réponses sont fournies :

a. Il est nécessaire et essentiel que le chercheur comme l'acteur entrent, dans un premier temps, dans la logique de l'autre : dans la logique du chercheur, dans la logique de l'acteur. Si cette condition générale n'est pas remplie, il est peu probable qu'une recherche-action de type stratégique puisse être mise en œuvre et conduite à son terme.

b. La condition sine qua non pour conduire une recherche-action est de créer un espace d'autonomie, où les rapports entre les praticiens et les chercheurs se construisent hors des règles de fonctionnement de leurs organisations respectives (cf. droit à l’expérimentation).

c. Ni les chercheurs ni les acteurs ne perdent leur identité en participant à une recherche-action, mais ils l'enrichissent, puisqu'en formant un collectif, ils tentent d'établir des rapports d'égalité entre eux. De fait, ce ne sont pas les chercheurs qui ont raison parce qu'ils sont chercheurs ou les praticiens qui ont raison parce qu'ils sont praticiens : " j'ai, tu as, nous avons une réflexion pour notre pratique ; j'ai, tu as, nous avons une pratique pour notre réflexion (...). Aucun d'entre nous ne pouvait énoncer par avance les fruits de la réciprocité et des échanges de savoirs. C'est cette ouverture qui a permis des fruits non prévus qui, à leur tour, ont enrichi notre projet, nos objectifs et nos analyses. "

 

Les moyens de l'information, de l'analyse et du contrôle par les acteurs de l'avancée simultanée de l'action et de la recherche

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C'est notamment grâce à des réunions que les déviances possibles sont notées, les choix effectués gardés en mémoire, les discussions sauvegardées dans un journal de bord, de façon à ce que l'on puisse toujours revenir en arrière lorsqu'on constate, chemin faisant, que l'histoire peut s'éclairer ici ou là d'un indice que personne n'avait relevé dans le feu de l'action.

La valeur "information systématique des partenaires" dans le contexte de recherche-action procède de l'analyse selon laquelle l'homme est capable d'être acteur de sa vie et de son histoire. En tenant les partenaires informés du but poursuivi, des actions à mener, des effets que cette démarche aura sur leur environnement, on leur donne les moyens d'intervenir et d'agir pour changer les choses, même de manière limitée, dans l'ici et maintenant. Un objectif clair et une information systématique permettent de court-circuiter les rumeurs, les bruits de couloir et de couper l'herbe sous le pied des colporteurs de nouvelles mal assimilées. La discussion reste possible lorsque tout le monde dispose des mêmes informations. Dès que celles-ci ne circulent plus, la démarche est en danger.

Quels moyens de participation et de contrôle collectif ?

  • La manière dont la notion de réseau peut être active : par les rencontres entre enseignants dans leurs classes et avec les chercheurs dans les classes,

  • La manière dont la mutualisation des savoirs peut être active : par les échanges d'outils liés à des pratiques pédagogiques qu'un enseignant ainsi aux autres enseignants soit pour initier un " forum de discussion " soit pour communiquer un travail à des collègues (ressources existantes).

  • La manière dont les évolutions peuvent être enregistrées et ainsi constituer les indices d'une lecture historique :

  • La manière dont le collectif se donne les moyens de contrôler l'avancée du groupe et d'analyser à étapes régulières les transformations des acteurs : permettent aux acteurs, enseignants et chercheurs, de définir ensemble leurs cahiers des charges respectifs et communs, d'orienter l'action et les différents chantiers de travail en collaboration étroite avec les instances de tutelles (directions pédagogiques, corps d’inspection et formateurs).

 

S’il n'existe pas de consensus particulier sur une ou des techniques que la recherche-action utiliserait de façon plus systématique que d'autres, l'accord des concepteurs de recherche-action consiste plutôt à affirmer que cette démarche peut emprunter toutes les techniques mises au point par les sciences humaines, avec cependant une nette préférence pour les techniques qualitatives et pour l'observation participante accompagnée d'un journal de bord.

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Les questionnaires, entretiens semi-directifs conduits par l'équipe de chercheurs, sans être écartés, restent en position subordonnée au regard du biais introduit par la position que tient le chercheur dans l'action étudiée. C'est donc l'observation menée par le chercheur qui apparaît la technique la plus adéquate. Parmi les divers modes d'observation développés par les sciences humaines, l'observation stratégique correspond à ce qu'adopte celui qui cherche à comprendre non seulement pour comprendre mais pour transformer. L'institution ne se donne presque jamais immédiatement à l'observation, c'est la raison pour laquelle l'observateur doit l’interroger au-delà des formes apparentes en la saisissant à travers de sa dynamique et de ses ressorts. Une fois en possession de ces données, l'observateur peut agir au mieux au regard des objectifs qu'il s'est fixé.

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Dans le cadre de la recherche-action les observations initiales réalisées par les chercheurs pourront constituer les éléments qui permettront aux enseignants-gestionnaires-chercheurs de construire eux-mêmes les outils d'observation de leurs pratiques et de pratiquer, au sein de l'acteur collectif et donc dans les classes des écoles et des collègues engagés dans la recherche, des observations directes, " objectives " et/ou " participantes " selon les modalités de travail décidées collectivement.

La communication y a une fonction essentielle, à la fois pour la recherche (confronter, discuter, clarifier les résultats) et pour l'action (comprendre une situation, se sensibiliser à différentes hypothèses de changement, élaborer des recommandations, décider, amorcer un processus de changement). Les procédures de feed-back peuvent être soit à l'origine de prolongement et d'approfondissement soit de réorientation de la démarche entreprise.

 

L’importance du collectif

 

De nombreuses études montrent qu’une condition du changement effectif en éducation réside dans le développement professionnel produit par les interactions entre pairs. L’isolement met en danger le professionnel.

 

  • Il est par conséquent plus important de construire du pouvoir d’agir avec ses pairs que d’avoir du pouvoir sur les autres, contrairement à l’image spontanée que l’on a parfois du leader ou du chef d’établissement.

  • Le collectif est plus porteur que l’injonction au changement. Cela implique, pour les pilotes, les encadrants et les leaders de toute nature, qu’il est indispensable de bien connaître la culture des professionnels dont ils veulent faire évoluer la pratique, et de montrer l’exemple de la pratique collaborative à son niveau et non comme simple prescripteur ou observateur.

  • La connaissance réciproque ne saurait être remplacée par des tableaux de bord ou des échanges de données.

 

Le travail collégial ou collectif est un moyen pour atteindre certains objectifs pédagogiques, non une fin et ainsi par exemple un projet d’établissement ne peut constituer le projet du seul chef d’établissement ou la réponse aux injonctions pressantes de la hiérarchie.

 

Concernant les gouvernements, il convient d’abord qu’ils aient eux-mêmes une vision claire de leurs objectifs en matière d’éducation et qu’ils indiquent la place que les acteurs occupent dans le projet.

 

Assommer le système éducatif de dispositifs d’évaluation et de contrôle en tout genre sur ses performances revient à montrer que l’on n’a pas confiance en lui ni en ses acteurs, ce qui est le plus sûr moyen de nourrir en retour la défiance de ces derniers envers les autorités.

 

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